Sécheresse : surtout, ne pas se tromper de solution

Face à l’enjeu vital de la diminution de la ressource en eau, prendre la mesure exacte du phénomène et élaborer des stratégies réellement efficaces s’impose. En France, les chercheurs de l’INRAE s’y emploient.

(© Adobe Stock)
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Sécheresses et inondations... Le 13 avril dernier, lors d’une conférence de presse -accessible en ligne-, Thierry Caquet, directeur scientifique environnement de l'INRAE, Institut de recherche public œuvrant pour un développement cohérent et durable de l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, rappelait les dernières mises en garde du GIEC, Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Ce dernier souligne, en effet, le lien entre accélération du changement climatique, sécheresses accrues et inondations plus fréquentes. Même en France, selon Thierry Caquet, « les tensions vont s’exacerber. Il faut anticiper et s’adapter, en évitant les options de mal-adaptation » qui pourraient sembler pertinentes à court terme, mais se révèlent contre-productives sur le plus long terme. Ce risque éclaire l’importance de disposer de données fiables pour être en mesure de mener une politique publique efficace.

En France, l’INRAE fait partie des opérateurs publics qui apportent leur contribution scientifique sur le sujet de l’eau. Parmi ses thématiques de recherche figurent, notamment, la dynamique des flux et les risques qui y sont associés, les usages sociaux, les instruments économiques qui peuvent être utilisés pour les faire évoluer, les moyens de gestion de la ressource…Par exemple, l’INRAE s’attache à prévoir les conséquences du changement climatique sur la sécheresse. « Plus on s’approche de la Méditerranée, plus les ressources annuelles diminuent dans le temps. Nous disposons d’outils pour prévoir les séquences de sécheresse qui amènent des tensions sur le partage de l’eau », explique Eric Sauquet, hydrologue et coordinateur scientifique du projet Explore2. Ce programme, mené, notamment, avec le CNRS, EDF, ou Météo-France vise à actualiser les connaissances sur l’impact du changement climatique sur l’hydrologie (de surface et souterraine). Il s’agit aussi d’accompagner les acteurs des territoires (préfet, collectivités locales…) qui doivent élaborer des stratégies de gestion de la ressource, pour qu’ils puissent utiliser ces données. Les premières projections hydrologiques sont déjà accessibles en ligne et seront complétées cet été. Le sujet est d’une grande complexité, vu la diversité géographique du territoire. Tous les secteurs ne sont pas également sensibles aux sécheresses. Par exemple, dans une large bande allant de la Lorraine au Poitou, les sols argilo-calcaires, caillouteux et peu profonds, le sont particulièrement. Des études locales sont menées sur différents grands bassins hydrographiques (Moselle, Meuse, Durance, Garonne, etc.).

Le goutte-à-goutte ne suffira pas

Autre axe de recherche de l’INRAE, celui de l’utilisation des ressources en eau qui soulève des questions techniques, et aussi, plus larges, de modèle de production. « L’idée consiste à aller vers plus de sobriété en limitant notre empreinte eau, quels que soient les usages, agricoles ou urbains », pointe Sami Bouarfa, agronome et spécialiste de la gestion de l'eau en France et à l'international. Par exemple, pour le secteur agricole, premier consommateur d’eau (58%) et qui subit des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, plusieurs leviers peuvent être utilisés. Parmi eux, l’optimisation de l’irrigation. « Les agriculteurs ont déjà réalisé des efforts en ce sens. Toutefois, nous avons encore une majorité d’irrigation par aspersion, qui n’est pas la plus performante », constate Sami Bouarfa. A Montpellier, l’INRAE a mis sur pied une plateforme, PReSTI, destinée à mener des expérimentations de terrain et des simulations numériques sur l’amélioration de l’efficacité de l’irrigation. Le constat : en grandes cultures, par exemple, le passage de l’aspersion au goutte-à-goutte permet des économies d’eau de 10 à 30 %. Mais pour l’INRAE, il faut aller beaucoup plus loin : pour faire face au manque d’eau, une remise en cause radicale du modèle et des pratiques agricoles majoritaires actuelles est nécessaire. « Il ne faut pas rester dans l’idée d’une agriculture productiviste, en arrosant pour obtenir un maximum de rendements, mais aller vers une transition agroécologique et une irrigation de résilience », résume Sami Bouarfa. L’Institut de recherche a mené des expérimentations d’agroécologie, qui combine des pratiques comme la diminution du travail du sol ou la diversification des cultures, qui en captant et conservant au maximum l’eau dans les sols, permet d’aller vers une agriculture moins gourmande en eau. Sur le bassin Adour-Garonne, le programme BAG’AGES a permis d’accroître les capacités d’infiltration du sol- et donc de résilience face au manque d’eau – avec, pour l’exploitation, des niveaux de rentabilité équivalents à ceux des pratiques conventionnelles.