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Transformation numérique : la France accélère, mais tout le monde ne suit pas

Si la maturité numérique s’est globalement accélérée en France, de fortes disparités persistent entre territoires, entre secteurs d’activité, et entre petites et grandes entreprises. Tel est le constat dressé par une étude réalisée par le Boston Consulting Group pour le MEDEF, et qui propose également des pistes de réflexion pour réduire ces écarts.

« La mutation numérique est un levier de développement très important pour les entreprises » et le MEDEF entend « aider les entreprises à s’en saisir », a déclaré Christian Poyau, PDG du cabinet de conseil en technologie Micropole et coprésident de la commission « numérique et impacts sociétaux » de l’organisation patronale, lors d’une conférence de presse, le 14 juin à Paris, la veille de la REF Numérique organisée au salon Vivatech. À cette occasion, Alexandre Aractingi, directeur associé au sein du Boston Consulting Group (BCG) à Paris, a présenté les principaux résultats d’une étude sur l’évolution de la maturité numérique de la France, réalisée pour le MEDEF par le cabinet de conseil en stratégie.

« La France a bien accéléré »

Il ressort tout d’abord des résultats de cette étude que, sur le terrain de la transformation numérique, « la France a bien accéléré », a expliqué le consultant. Parmi les facteurs qui ont contribué à cette accélération figurent la crise sanitaire, « les politiques publiques » déployées en France, telles que les plans nationaux en faveur de l’intelligence artificielle, l’informatique quantique ou la fibre optique, mais aussi les initiatives de la Commission européenne en termes de régulation, qui permettent à la fois « d’encadrer » et de « rassurer » les acteurs du marché. Plusieurs indicateurs témoignent, selon lui, de cette plus grande maturité numérique : la nette augmentation du nombre de licornes françaises, la vivacité du marché des start-up, le développement d’écosystèmes technologiques et scientifiques en régions, l’implantation de centres de R&D dans l’Hexagone…

Une plus grande « maturité comportementale »

Autre grand constat issu de cette étude : « les entreprises ont adopté un socle essentiel d’outils et de mesures de sécurité numériques dans les usages du quotidien », a poursuivi le consultant. Systèmes de visioconférence, outils de travail collaboratifs, pratiques de cybersécurité bien plus avancées, notamment dans le cadre du télétravail, sensibilisation à la problématique du numérique durable et du pilotage des données… On peut ainsi observer une « hausse de la maturité comportementale » avec le numérique.

« La moitié des entreprises ne sont pas embarquées dans cette transformation »

Mais le dernier constat dressé par l’étude vient relativiser cette dynamique globale en pointant le fait que « la moitié des entreprises interrogées ne sont pas embarquées dans cette transformation », a relevé le consultant. « Quand on demande à un chef d’entreprise s’il a mené une transformation digitale, pour la moitié d’entre eux la réponse est ‘non et on n’y pense même pas” ». De même, plus de la moitié des entreprises interrogées ne s’intéressent pas à l’exploitation de leurs données pour en tirer profit, « alors que les autres savent comment faire ou ont prévu de s’en occuper ». Il ressort également que « les entreprises françaises sont mal informées sur les aides à la transformation numérique », et ce, alors que beaucoup d’entre elles reconnaissent que la question du financement est « un frein » sur ce terrain.

Créer des data hub par industrie et travailler à gommer les disparités

Dans son rapport, le cabinet de conseil propose « deux pistes de réflexion à explorer » pour faciliter et optimiser la transformation numérique. La première consiste à créer, à l’échelle européenne, des filières verticales pour organiser la mise en commun et le partage des ressources et des données, au sein de chaque industrie. Et pour atténuer les disparités entre territoires, entre secteurs et entre grandes et petites entreprises, la seconde piste suggère de s’appuyer sur trois leviers : la connectivité haut débit (avec la fibre et la 5G), l’accompagnement des entreprises, et en particulier des plus petites, en rendant notamment les aides plus visibles et plus faciles d’accès, et enfin l’acculturation aux compétences numériques. Sur ce dernier point, « il ne s’agit pas de former de futurs prix Nobel, mais d’acculturer tout le monde au numérique », a expliqué Alexandre Aractingi, en prenant pour exemple « la cybersécurité, qui est l’affaire de tous ».

Mieux accompagner les PME, y compris financièrement

« La transformation numérique n’est pas réservée aux grandes entreprises et aux start-up », a insisté le coprésident de la commission numérique du MEDEF. Pour Christian Poyau. « les retards des PME sont surtout liés à leur manque de capacité d’investissement » et c’est pourquoi « il faut accompagner les PME financièrement aussi ». La transformation numérique « exige du temps et de l’argent » : « il faut former les équipes », « il faut financer les investissements technologiques dans les actifs informatiques », il faut investir « dans la conduite du changement »… Mais s’il est légitime de se demander « combien ça coûte », il faut surtout s’interroger sur « combien ça coûte de ne pas le faire » et « ce que cela va apporter ». Et « c’est à nous [le MEDEF] de convaincre les entreprises des bénéfices de cette transformation ».