Une année 2023 dans la tourmente ?

Le contexte socio-économique reste particulièrement dégradé en ce début d’année 2023, entre inflation élevée, taux d’intérêt en hausse, menace d’une récession et montée de la grogne sociale…

(c) adobestock
(c) adobestock

Le monde sort groggy de ces années de pandémie, suivies de la guerre en Ukraine. L’enquête Et Maintenant 2, chapeautée par France Culture et Arte, montre en particulier un grand sentiment d’angoisse et de vulnérabilité de la population européenne, quels que soient l’âge, la qualification ou la profession. Certes, les festivités traditionnelles du mois de décembre ont plutôt donné l’image d’un peuple joyeux, d’autant qu’elles furent doublées cette année d’émotions fortes liées à une coupe du monde de football très décriée, mais pourtant regardée. Cela a pu donner l’illusion d’un monde qui ne se portait finalement pas si mal, alors que dans de très nombreux pays le calme social avait été « acheté », durant toute l’année 2022, par des aides budgétaires massives de l’État. Que peut-on alors raisonnablement attendre en 2023 ?

L’activité mondiale en berne

Dans ses prévisions d’octobre 2022, le Fonds Monétaire International (FMI) notait un ralentissement généralisé et marqué de l’activité économique, qui devrait conduire à un très faible taux de croissance partout dans le monde en 2023. Il est vrai que les nuages noirs se sont accumulés depuis quelques mois : pouvoir d’achat des ménages amputé par l’inflation, hausse des taux d’intérêt qui rendent les emprunts plus difficiles à souscrire et ensuite à rembourser, incertitudes sur l’approvisionnement en énergie, déstabilisation des échanges commerciaux et financiers liée à la guerre en Ukraine, effets persistants de la pandémie de Covid-19 dont la Chine fait encore les frais, même après être sortie de sa politique extrême de confinement.

Le FMI anticipe, dès lors, 2,7 % de croissance moyenne en 2023, contre 3,2 % en 2022 et 6,0 % en 2021. Dans les pays émergents et en développement, le taux de croissance serait de 3,7 %, tandis que dans les pays avancés il ne s’élèverait qu’à 1,1 %. De nombreux pays de la zone euro flirteraient même avec la récession : 0,7 % en France, -0,3 % en Allemagne, -0,2 % en Italie… Et tandis que l’économie américaine croîtrait à peine, celle de la Chine progresserait péniblement de 4 % environ, trop peu pour faire face à tous les défis économiques et sociaux du pays.

Le spectre de la stagflation

Selon les prévisions du FMI, l’inflation mondiale diminuerait à 6,5 % en 2023 et 4,1 % en 2024. Hélas, ces fortes hausses de prix — notamment de l’énergie — ont déjà des conséquences graves sur l’activité économique. D’un côté, le pouvoir d’achat des ménages s’effrite dans de nombreux pays en raison d’une décorrélation entre salaires et inflation, ce qui entraîne à la fois des mouvements de grogne sociale et un ralentissement de la demande adressée aux entreprises. De l’autre, les coûts de production des entreprises augmentent et débouchent, selon les cas, sur des faillites, des hausses de prix ou des pénuries. Et ces effets dépressifs sur l’activité économique sont depuis accentués par le resserrement de la politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique. Les agents privés (ménages et entreprises) seront ainsi de plus en plus tenaillés, en 2023, entre hausse des taux d’intérêt et baisse de leur capacité de remboursement.

Bref, il y a risque réel de stagflation, caractérisée par la stagnation de l’activité économique (faible croissance et chômage élevé) et une hausse généralisée des prix ! C’est pourquoi les États déboursent désormais sans compter pour soutenir la demande et l’offre (boucliers tarifaires, baisses d’impôts, chèques énergie, gels des prix…), au risque d’aggraver le taux d’endettement public au moment même où les taux d’intérêt grimpent. Et tout ça pour un résultat parfois médiocre et somme toute temporaire…

Mais comment sortir du « quoi qu’il en coûte », lorsque les États redoutent une crise économique doublée d’une crise sociale ? Ce d’autant plus que, contrairement à une idée reçue et répétée ad nauseam, la zone euro n’approche pas du plein-emploi, pour autant que l’on s’accorde à appeler plein-emploi autre chose qu’un taux de chômage faible. La souffrance au travail, la perte de sens, l’absence de stabilité et de perspectives, sont en effet devenues des lieux communs à tous les niveaux de qualification.

Dans ce contexte globalement dégradé, le FMI préconise « des réformes structurelles [qui] peuvent apporter un soutien supplémentaire à la lutte contre l’inflation en améliorant la productivité et en atténuant les problèmes d’approvisionnement, tandis qu’une coopération multilatérale efficace est nécessaire pour accélérer la transition vers les énergies vertes et éviter la fragmentation ». Retrouver la productivité perdue par des réformes structurelles et améliorer le commerce international, voilà l’habituelle potion magique préconisée par le FMI depuis 60 ans avec le résultat que l’on sait…

Aucun pays n’est du reste à l’abri d’un « cygne noir », événement rare, mais aux conséquences dévastatrices telles qu’un retournement sur les marchés, une crise politique, une pandémie… En un mot, 2023 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.