Bosc-Edeline : les poulets bio dans la tourmente

Inclus dans la zone de restriction de mouvements des volailles dans le cadre du plan de lutte contre la grippe aviaire, Gaëtan Royer, éleveur à Bosc-Edeline, fait face à une situation difficile. Hausse des charges et tension sur le marché du bio, compliquent encore la donne.

Gaëtan Royer devant la barrière fermée de son élevage : l'accès reste strictement interdit et les poulets sont encore soumis à un confinement dans leurs bâtiments. (© Aletheia Press / B.Delabre)
Gaëtan Royer devant la barrière fermée de son élevage : l'accès reste strictement interdit et les poulets sont encore soumis à un confinement dans leurs bâtiments. (© Aletheia Press / B.Delabre)

Il n'y a pas que la Covid-19... Les Poulets de Gaëtan ont eux aussi été confinés. Situé à Bosc-Edeline, l'élevage de poulets bio de Gaëtan Royer a en effet fait partie du périmètre de sécurité mis en place à la suite de la découverte d'un foyer de grippe aviaire à quelques kilomètres de là, en février. Une précaution sanitaire normale et acceptée, mais qui met l'élevage dans une situation financière compliquée.

Dans l'incapacité à abattre son lot « prêt », il a en effet dû le conserver durant 4 semaines supplémentaires. Avec deux conséquences directes : l'incapacité à répondre aux sollicitations des clients, et la nécessité de nourrir les poulets. « Conserver un lot un mois de plus c'est environ 800 € de nourriture. Et sur des animaux prêts, on ne peut pas espérer un gain de masse qui permettrait un retour sur investissement. »

La levée partielle des restrictions a finalement permis à Gaëtan Royer d'abattre ce lot, alors même que le suivant arrivait à date optimale d'abattage, créant ainsi une surproduction par rapport aux commandes. Trop gras, le lot « confiné » a donc été transformé intégralement en rillettes. « J'ai cette chance, de faire des produits transformés à longue durée de conservation. Mais ça ne résout pas tout. J'ai fait des rillettes, mais je ne sais pas comment je vais les payer au transformateur. »

Une trésorerie mise à mal

Privé de recettes pendant un mois, avec des charges supplémentaires, l'éleveur a en effet vu sa trésorerie mise à mal. D'autant que l'évènement est arrivé dans un contexte mouvementé. Dans le sillage des prix des céréales et de l'énergie, le prix de l'aliment bio est en hausse constante depuis plus d'un an. Représentant 70 % du coût de production d'un poulet, il a vu ses prix grimper de 98 € la tonne entre janvier 2021 et janvier 2022. « Avec cette seule hausse, à prix de vente constant, j'aurai perdu 30 % de ma marge », constate l'éleveur. Il a donc augmenté ses prix en cours d'année... Sans pour autant absorber la totalité de la hausse.

Hors de question en effet, de faire fuir les clients. Car à la vente aussi le marché se tend. Les circuits courts comme le bio, subissent une érosion importante, de -15 à 20 %. « C'est une évolution multi-factorielle » assure l'éleveur. Pour lui, l'inquiétude des ménages face à l'inflation, au coût de l'énergie, à la guerre, mais aussi l'envie d'évasion après des mois à la maison, pénalisent le budget consacré à l'alimentation.

Réputé cher, le bio en subit directement les conséquences. « Les magasins spécialisés, mais aussi les petites épiceries souffrent, assure Gaëtan Royer, qui voit les délais de paiement de ces clients se rallonger. Sur 18 000 pots de rillettes produits l'an dernier, j'en ai 14 000 vendus à ces magasins. S'ils sont en difficulté, cela me concerne directement. »

Prêts et indemnisations

Avec une grande part des restrictions de mouvements des volailles désormais levée, l'éleveur espère revenir à un rythme plus normal... Mais cela risque de ne pas être avant septembre. Les restrictions ne lui ont en effet pas permis de faire entrer de nouveaux poussins. Il doit donc faire face à un creux de production, qui le privera de ventes de poulets frais jusqu'à la fin du printemps.

En attendant, il fait le dos rond. « Être toujours dans le rouge, ça gâche un peu le plaisir d'aller travailler, souffle-t-il. Ma banque me soutient, heureusement. Mais j'ai dû contracter un prêt de trésorerie. Je venais de finir de payer mes bâtiments au 31 décembre. Je pensais pouvoir me dégager un peu plus de salaire, mais me voilà ré-endetté. » Il espère aussi que les indemnisations prévues par les autorités sanitaires, ne tarderont pas trop à arriver... Même s'il sait d'ores et déjà qu'elles ne couvriront pas l'intégralité des pertes. Un acompte de versement est prévu en juin.

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre