États généraux de la justice : les grands axes de réforme proposés

Le comité des États généraux de la justice a remis son rapport au président de la République. La profonde refonte de la justice économique fait partie des nombreuses propositions de réforme retenues.


(© Adobe Stock)
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Chargé de faire la synthèse des très nombreuses contributions aux États généraux de la justice qui se sont tenues pendant près de six mois, le comité présidé par le magistrat Jean-Marc Sauvé a remis, le 8 juillet, au gouvernement un rapport qui contient de très nombreuses propositions de réforme. Outre l’octroi à l’institution judiciaire de davantage de moyens humains (vastes plans de recrutement de magistrats, de juristes assistants contractuels, de personnels de greffe et d’agents administratifs) et informatiques pour remettre à niveau des infrastructures et des applicatifs numériques des tribunaux, il préconise avant tout de recentrer le rôle du juge sur ses missions fondamentales et d’orienter l’essentiel des efforts à venir vers la première instance.

Retour de la collégialité et limites de la déjudiciarisation

Le rapport du comité suggère, notamment, le retour de la collégialité et la mise en place d’une équipe de collaborateurs autour du juge. En matière civile, il propose, notamment, un renforcement de la prise en charge des frais d’avocat par la partie perdante, appelle les magistrats et les avocats à poursuivre leurs travaux sur la présentation des écritures et la mise en état et – bien que favorable au développement des modes alternatifs de règlement des litiges – estime que leur déploiement « ne saurait être pensé uniquement comme un moyen de limiter les flux entrants» et que la déjudiciarisation a désormais « atteint ses limites ».

Maintien du juge d’instruction et de l’unicité de la magistrature

En matière pénale, le rapport présente les principales orientations qui, selon le comité, devraient guider la réécriture du Code de procédure pénale. Il estime, entre autres, que le développement du pouvoir de sanction autonome du parquet « a atteint ses limites », qu’il faut approfondir les études d’impact sur l’unification des cadres d’enquête (préliminaire et en flagrance), qu’il conviendrait de généraliser le statut de témoin assisté et de limiter la mise en examen au seul cas où le prononcé de mesures coercitives est envisagé.

Favorable au maintien de l’unicité de la magistrature, le comité suggère, pour renforcer l’impartialité dans la nomination et la gestion des parquetiers, de donner un pouvoir d’avis conforme au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur les propositions de nomination de ces magistrats et sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Il propose aussi de modifier la composition du CSM et de la commission d’avancement, des réformes de la discipline, la déontologie et la protection des magistrats, ou encore de supprimer la Cour de justice de la République.

Carte judiciaire : fusionner sans supprimer

Du fait de l’hostilité des élus à tout regroupement autoritaire de tribunaux, le rapport préconise de créer des régions judiciaires (recoupant les régions administratives) chargées de gérer les aspects budgétaires, immobiliers et informatiques. Dans les départements disposant de plusieurs tribunaux judiciaires, il propose de désigner des tribunaux « chefs de file ». Reste que, selon le comité, ce schéma global n’exclut pas que la réflexion de la Chancellerie sur la fusion de cours d’appel se poursuive, de même que « les démarches concertées de fusion de juridictions qui laissent subsister tous les sites judiciaires ».

Réorganisation de la justice économique et sociale

« Nous proposons de maintenir les tribunaux de commerce et les conseils de prud’hommes avec des juges élus, d’expérimenter un tribunal des Affaires économiques et d’expérimenter la participation des parties au financement de la justice pour les contentieux économiques », a expliqué le président du comité, Jean-Marc Sauvé, lors de la présentation du rapport à la presse le 8 juillet dernier. Ce tribunal des Affaires économiques serait compétent pour toutes les procédures amiables et collectives, quels que soient le statut et le domaine d’activité des opérateurs (y compris les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les professions libérales, les SCI et les associations), mais les tribunaux judiciaires conserveraient leurs compétences de droit commun en matière de baux commerciaux et de propriété intellectuelle, en raison de la technicité de ces matières. « Nous proposons également de mettre en place une politique de filière », avec la création d’une filière de juges civilistes économiques, assortie de formations et de stages spécifiques.

« Pour les conseils de prud’hommes nous proposons de les renommer ‘tribunaux du Travail’ et de les rattacher aux tribunaux judiciaires sur le plan administratif, organisationnel et budgétaire », a poursuivi l’ancien vice-président du Conseil d’État, « de renforcer le rôle des agents des greffes dans la mise en état » et « de mettre en place une orientation ab initio des affaires, soit vers la conciliation, soit vers l’instance paritaire, soit vers le départage, plutôt que d’avoir à escalader conciliation – qui ne marche pas –, parité – dont on sait qu’elle va échouer –, avant d’arriver devant le juge ».

Des premières décisions dès septembre

Dans un communiqué publié lors de la remise officielle du rapport à l’Élysée, le 8 juillet, le président de la République, Emmanuel Macron, précise avoir « demandé au garde des Sceaux d’engager, dès le 18 juillet prochain, une concertation avec l’ensemble des acteurs du monde judiciaire sur la base des conclusions du rapport ». Ces échanges doivent permettre « de prendre, dès la rentrée, des décisions concrètes et rapides du ministre de la Justice » et « de mettre en œuvre des chantiers en profondeur avec les moyens nécessaires que la loi de programmation pour la justice aura à décliner ».