Social

L’entreprise et les salariés

Revue de récentes décisions de la Cour de cassation en matière de droit du travail.


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Rémunération : prime

En l’espèce, la cour d’appel a constaté qu’une prime de bilan, désignée prime exceptionnelle sur la fiche de paye, avait été versée chaque année à la salariée et que l’employeur ne contestait pas avoir fait bénéficier ses salariés de cette prime pour l’année 2017, en excluant toutefois l’intéressée, sans aucune justification. Elle en a exactement déduit que l’employeur était tenu au paiement de la prime litigieuse. (Cass soc., 6 mars 2024, pourvoi no 22-17451).

Licenciements : motifs

Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut donc pas justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. L’employeur ne peut pas, pour procéder à un licenciement disciplinaire, se fonder sur le contenu de courriels à caractère raciste et xénophobe, envoyés par la salariée, via sa messagerie professionnelle, dès lors que les messages litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés, à l’intérieur d’un groupe de personnes, non voués à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi de l’un des destinataires. (Cass soc., 6 mars 2024, pourvoi no 22-11016)

Des méthodes de gestion de nature à impressionner les subordonnés et à nuire à leur santé constituent une faute grave, sans que la qualification de harcèlement moral soit exigée. (Cass soc., 14 février 2024, pourvoi n° 22-14385 n° 22-23620)

Durée de travail

En cas d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures complémentaires ne peuvent pas avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau du seuil de la durée légale du travail correspondant à la période de référence, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement. (Cass soc., 7 février 2024, pourvoi n° 22-17696)

L’absence de mise en place par l’employeur d’un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque salarié ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve quant à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies. (Cass soc., 7 février 2024, pourvoi n° 22-15842)

Le non-respect du repos journalier prévu conventionnellement ouvre droit à réparation. (Cass soc., 7 février 2024, pourvoi n° 21-22809)

Santé au travail : mutuelle

Le droit des anciens salariés d’une société en liquidation judiciaire au maintien de leur couverture collective frais de santé ne fait pas obstacle à l’exercice par l’organisme assureur de son droit à la résiliation annuelle, même après le licenciement des intéressés. Cette résiliation met un terme au maintien des garanties. (Cass. 2e civ., 15 février 2024, pourvoi n° 22-16.132) 


Maladie et acquisition de congés payés : ce qui va changer

Suite du feuilleton sur l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie. Afin de mettre le Code du travail en conformité avec le droit européen, après notamment le revirement de la Cour de cassation en septembre 2023, une réforme s’imposait. Le gouvernement a déposé, le 15 mars, un amendement au projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE).

Les salariés en arrêt pour maladie non professionnelle vont désormais pouvoir acquérir des congés payés qui seront limités à quatre semaines sur une année (minimum prévu la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail).

Pour le Conseil d’Etat, saisi par le gouvernement, dans un avis publié le 14 mars 2024, « le législateur n'est pas tenu, pour assurer la conformité de la loi française à la Constitution et au droit de l'Union européenne, de conférer aux périodes d'absence pour maladie le même effet d'acquisition de droits à congés que les périodes de travail effectif »

En cas de maladie professionnelle, les salariés continuent d’acquérir des congés payés pendant leur arrêt au même rythme qu’actuellement (soit à raison de cinq semaines par an). En revanche, la limite d'un an stoppant l’acquisition de congés payés serait supprimée.

Les congés acquis pendant un arrêt maladie pourront être pris par le salarié dans un délai de 15 mois. L'employeur aura dix jours pour informer le salarié de retour au travail de ce délai et de ses droits à congés.

Enfin, la rétroactivité des indemnités dues aux salariés qui ont été malades et ont perdu des congés, serait limitée à trois ans.

Ces nouvelles règles d’acquisition et de report des droits à congés s’appliquent rétroactivement depuis le 1er décembre 2009.

L’amendement gouvernemental a été adopté par les députés le 18 mars. Après un passage en commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi DDADUE pourrait être adopté le 10 avril prochain.