Le Carbone : un nouveau business model pour l'agriculture normande ?

Dans le cadre de sa chaire "Modèles entrepreneuriaux en agriculture", l'EM Normandie Business School a organisé une convention d'affaires sur la ferme bas carbone, le 3 novembre à Yvetot.

Enfouir le carbone dans le sol : un projet qui a du sens sur le plan agronomique et parfois aussi sur le plan économique. (© Aletheia Press / B.Delabre)
Enfouir le carbone dans le sol : un projet qui a du sens sur le plan agronomique et parfois aussi sur le plan économique. (© Aletheia Press / B.Delabre)

La question de la décarbonation ne concerne pas seulement l'industrie. Elle concerne aussi l'agriculture, qui, comme d'autres secteurs, se penche de plus en plus sur cette question. En témoigne la convention d'affaires organisée le 3 novembre au lycée agricole d'Yvetot, par l'EM Normandie Business School, CerFrance Seine Normandie et le Crédit Mutuel Normandie. En effet, actuellement fortement émettrice de carbone, l'agriculture peut aussi, demain, en devenir l'un des principaux stockeurs. « L'agriculture est une partie du problème, mais aussi une partie de la solution, grâce à son pouvoir de stocker du carbone pour elle-même, mais aussi pour les entreprises du tertiaire et de l'industrie », résume Thomas Duros, responsable conseil QHSE, agronomie, énergie chez Cerfrance Seine Normandie.

Pour cela, elle doit d'abord inverser la tendance actuelle de sols émetteurs nets de carbone. Le Label bas-carbone est là pour cela. Ce référentiel national permet d'orienter les systèmes d'exploitation vers la décarbonation, en élevage comme en polyculture. De nombreuses méthodes, toutes incluses dans le référentiel, existent, proposées par des coopératives, des instituts techniques ou même des industriels. « Des travaux sont en cours pour proposer une méthode unique avec des leviers à tiroirs à actionner selon les besoins et objectifs des agriculteurs », assure Claudine Foucherot, directrice du programme agriculture et forêt, à l'Institute for climate economics (I4CE).

Un marché qui existe

Dans tous les cas ce label bas-carbone permet de monétiser les économies de carbone réalisées. Et ce, même pour des agriculteurs déjà performants sur cette question. « Nous accompagnons depuis trois ans des agriculteurs autour de ce label, témoigne Audrey Ouin, référente conseil technique et carbone au sein de CerFrance Normandie. C'est accompagnement sur cinq ans, avec un premier paiement du gain carbone en année 3. »

Malheureusement, la valeur du carbone ne pèse souvent pas lourd. Sur le marché international, il est payé 7 à 8 € la tonne économisée. « C'est vrai qu'il y a un coût, admet Gautier Fihue, agriculteur à Osmoy-St-Valery. Mais il n'est peut-être pas si élevé que cela. Il y a souvent d'importantes réductions de charges à faire, et cela permet souvent d'être plus efficace et plus rentable. » D'autant que, comme le souligne Claudine Foucherot, « en France, on est déjà sur des prix beaucoup plus élevés autour de 40 à 50 € par tonne. Cela colle avec de petits projets ayant un intérêt territorial. »

De g. à dr. : Thomas Duros et Audrey Ouin (CerFrance Normandie) aux côtés de Pierre Benassi (ADN) lors de la table ronde à Yvetot le 3 novembre. (© Aletheia Press / B.Delabre)


Financements complémentaires

De quoi en tout cas faire les premiers pas, économiser les premières tonnes. Pour la suite, l'investissement pourrait être plus élevé, surtout s'il s'agit de stocker du carbone pour les autres secteurs d'activité. « Il faudra trouver des financements complémentaires », appuie la directrice de programme de l'I4CE. C'est ce qui a amené l'Agence de Développement de la Normandie (ADN) à créer le fonds Normandie Carbone.

« Notre rôle, c'est de mettre en lien les porteurs de projets et les financeurs », résume Pierre Benassi, chargé d'affaires à l'ADN. Il ajoute : « On sent une appétence de la part des porteurs de projets. Mais côté financeurs, c'est plus compliqué, même si on a des marques d'intention. » En effet, pour l'heure, les entreprises du tertiaire ou de l'industrie préfèrent en priorité actionner des leviers internes pour économiser du carbone. Le coût actuel de l'énergie, n'y est évidemment pas étranger.

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre