Saint-Victor-l'Abbaye : il produit des légumes grâce à ses truites

A la Ferme aquaponique de l'abbaye, Guillaume Schlur associe élevage de truites et production de légumes. Un système innovant qui lui ouvre des marchés B to C et B to B.

Guillaume Schlur produit depuis 2017 des légumes et aromatiques nourris grâce aux déjections de ses poissons. (© Aletheia Press / B.Delabre)
Guillaume Schlur produit depuis 2017 des légumes et aromatiques nourris grâce aux déjections de ses poissons. (© Aletheia Press / B.Delabre)

Il fallait être fada... Sous sa serre à St-Victor-l'Abbaye, Guillaume Schlur produit depuis 2017 des légumes grâce aux déjections de ses truites d'élevage. C'est ce que l'on appelle l'aquaponie. Si le système est pratiqué notamment dans les rizières malgaches, son utilisation en « hors sol » est innovante. Ingénieur en agriculture, il est le gérant de la petite Ferme aquaponique de l'abbaye (FADA). « En 2016, j'ai fait un tour de l'aquaponie en France... Cela a été vite fait, sourit-il. Puis j'ai lancé un pilote sur 400 m2 dans la serre. » Aujourd'hui, la production se concentre sur seulement 1 350 m2 de radeaux flottants.

Sur le papier, le principe est simple : on élève des poissons dans des bassins, en l'occurrence des truites, et l'eau contenant leurs déjections est utilisée comme substrat hydroponique à la production maraîchère. Dans la pratique, l'équilibre est plus complexe à trouver. La population de poissons doit être en adéquation avec la surface en plantes. « Au début, je voyais la production piscicole comme un complément à la production maraîchère. Aujourd'hui, c'est l'inverse », témoigne Guillaume Schlur.

Truite fumée : un marché conséquent

En effet, en se lançant dans la production de filets de truite fumés sous vide, il a découvert un marché à l'appétit vorace, avec une forte valeur ajoutée. « Je tire mon épingle du jeu par la transformation du poisson. Sinon, sur une salade par exemple, je ne suis pas concurrentiel, d'autant que je ne peux pas avoir la certification bio. ». 65 % du chiffre d'affaires de la FADA est aujourd'hui réalisé via les filets de truites, vendus en direct, en épiceries locales, ou auprès de restaurateurs.

Désormais, après quelques années d'exploitation, la FADA arrive à son niveau de maturité sur le plan de la production. « Je commence à faire des légumes comme des haricots, des tomates, des tomates cerises, quelques choux, du céleri... » Et pour alimenter ses clients sans souffrir d'une comparaison avec des maraîchers traditionnels et surtout bio, Guillaume Schlur joue la carte de l'originalité. « J'essaie de sortir des sentiers battus et de proposer des choses un peu originales comme la tagète fruit de la passion ou la plante fromage ».

Le producteur normand dispose d'un petit point de vente, où il organise des « marchés de producteurs ». (© Aletheia Press / B.Delabre)

Des micro-pousses pour les restaurants

En 2021, indépendamment du système aquaponique, Guillaume Schlur s'est lancé dans la production de micro-pousses, dans un vieux bâtiment inutilisé. La production reste minime pour l'instant et peu chronophage. « J'avais les graines, j'avais le substrat... et ça ne prend pas beaucoup de temps en plus », raconte-t-il. Capucine, petit-pois, coriandre, moutarde... ces micro-pousses sont destinées à la décoration des assiettes dans les restaurants gastronomiques. Un produit rémunérateur, qui, là encore affiche une forte demande en local sur la place rouennaise notamment. Surtout, ce marché colle bien avec celui exploré par la ferme aquaponique et permet d'ouvrir les portes des chefs à Guillaume Schlur qui leur propose ainsi ses légumes et aromatiques ou ses filets de truite fumée.

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre