Feux de forêt : le pouvoir de prévention du maire

Des incendies inédits par leur ampleur ont touché la France cet été. Au total, plus de 60 000 hectares sont partis en fumée sur l’année 2022, un triste record. Au-delà des moyens techniques et matériels permettant de lutter contre ces incendies, notre droit permet au maire d’agir en amont, afin d’empêcher la propagation du feu. Le Code forestier distingue les pouvoirs du maire selon la situation de la commune, en zone « particulièrement exposée aux risques d'incendie » ou non.

Photo d'illustration Adobe Stock
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Rôle limité du maire dans les communes à faible risque

Selon l’article L. 131-10 du Code forestier, dans les territoires qui ne sont pas « particulièrement exposés aux risques d'incendie » (toutes les communes de France, exceptées celles situées dans les anciennes régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans les départements de l'Ardèche et de la Drôme), le pouvoir des maires est assez limité. Ils doivent se contenter « d’identifier les risques » et de les « indiquer au représentant de l’État » qui disposera certes d’un large pouvoir d’action, mais qu’il ne partage toutefois pas avec les maires.

En revanche, même dans ces communes, le maire conserve son pouvoir de police administrative général ayant pour but « d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux, ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies (…) ».

Sur la base de cette disposition, le Conseil d’Etat a, par exemple, jugé que le maire peut légalement prescrire à un propriétaire la réparation d'un conduit de cheminée (CE, 14 novembre 1957) ou l'installation d'une liaison téléphonique directe entre un bâtiment particulièrement exposé et un poste central de sécurité (CE, 24 juillet 1987, n° 53039 B).

De plus, même dans ces communes, « lorsqu'une décharge présente un danger d'incendie pour les bois et forêts, le maire prend toutes mesures utiles pour faire cesser ce danger ».

Le rôle important du maire dans les communes « à risque »

En revanche, dans les régions et départements où le risque d’incendie est bien plus important (anciennes régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, et départements de l'Ardèche et de la Drôme), le maire possède logiquement des pouvoirs accrus. Il peut, par exemple, prescrire des travaux agricoles, tels que le nettoyage des coupes.

Plus important encore, le Code forestier classe le débroussaillement parmi les moyens de prévention contre les incendies, soit toute opération « de réduction des combustibles végétaux de toute nature dans le but de diminuer l'intensité et de limiter la propagation des incendies ». En la matière, le maire possède un véritable pouvoir de contrôle et de sanction relatif à la réglementation.

L’article L. 134-6 du Code forestier liste l’étendue de l’obligation de débroussaillement dans ces départements exposés. Principalement, celle-ci s'applique, pour les terrains situés à moins de 200 mètres des bois et forêts :

- aux abords des constructions, sur une profondeur de 50 mètres (le maire pouvant porter cette obligation à 100 mètres) ;

- aux abords des voies privées donnant accès à ces constructions, sur une profondeur fixée par le préfet, dans une limite maximale de 10 mètres de part et d'autre de la voie ;

- sur les terrains situés dans les zones urbaines, ainsi que dans les ZAC, les campings …

Selon l’article L. 131-14 du Code forestier, les propriétaires des terrains concernés peuvent tout à fait solliciter leur commune afin qu’elle exécute le débroussaillement, à charge toutefois pour eux de la rembourser pour le service accompli. En revanche, si aucune action n’est engagée ni demande formulée, la commune peut pourvoir d'office à ces travaux (il s’agit même d’une obligation).

Le contrôle du débroussaillement peut être effectué par tout officier de police judiciaire, par les agents de l’ONF (Office national des forêts) , les gardes champêtres et agents de la police municipale. Conformément à l’article L. 135-1 du Code forestier, ces agents ont « accès aux propriétés privées, à l'exclusion des locaux à usage de domicile et de leurs dépendances bâties ». Le maire a simplement l’obligation de prévenir le propriétaire au moins un mois avant le contrôle. Si le propriétaire peut légalement refuser l’accès au terrain, le maire pourra toutefois solliciter et facilement obtenir cette autorisation d’accès au tribunal judiciaire. Un procès-verbal de carence est alors dressé. Sur cette base, une mise en demeure est adressée au propriétaire du terrain non débroussaillé. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte d'un montant maximal de 100 euros par jour de retard. Le montant total des sommes demandées ne peut être supérieur à 5 000 euros.

Conformément à l’article R. 134-5 du Code forestier, à échéance de la mise en demeure, le maire doit faire constater si les travaux prescrits ont bien été exécutés. En cas de carence du propriétaire, il peut exécuter les travaux d'office aux frais de ce dernier. De plus, le maire saisit l'autorité administrative compétente de l'Etat, qui peut prononcer une amende dont le montant ne peut excéder 30 euros par mètre carré soumis à l'obligation de débroussaillement.