Annulation d’un PSE : l’inspection du travail n’est responsable qu’en cas de faute lourde

Lorsqu’une entreprise a des difficultés économiques, elle peut être amenée à élaborer un Plan de sauvegarde de l’emploi. Ce PSE est soumis à de nombreuses contraintes et doit être validé par l’inspection du travail. En cas d’annulation par le juge administratif, les conséquences sont lourdes pour l’entreprise. En outre, dans un arrêt remarqué, la Cour administrative d’appel de Lyon vient de limiter drastiquement les possibilités de réparation du préjudice.

Annulation d’un PSE : l’inspection du travail n’est responsable qu’en cas de faute lourde

Elaboration et contenu d’un PSE

Avant d’en arriver à des mesures de sauvegarde, une entreprise est souvent contrainte de procéder à des licenciements pour motif économique. Dans certains cas, elle devra établir et mettre en œuvre un PSE visant notamment à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement est devenu inévitable. Le PSE est obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés et lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés sur une période de 30 jours. Dans les autres cas, il est généralement facultatif.

Deux possibilités s’offrent à l’employeur : soit il élabore le PSE en concertation avec les organisations syndicales représentatives du personnel, ou avec les instances représentatives (article L. 1233-24-1 du Code du travail), soit il élabore le document de manière unilatérale et sans aucune concertation (art. L. 1233-24-4 du Code du travail). Le risque de contestation est évidemment bien plus important lorsque l’employeur emprunte la deuxième voie. Cependant, s’il choisit cette option, il devra tout de même procéder à la consultation du Comité social et économique (CSE), dans un délai tenant compte de l’ampleur du projet de licenciement.

Point central du PSE qui crispe souvent les tensions : le Plan de reclassement, document qui prévoit des mesures permettant de « faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ». Concrètement l’employeur doit identifier des postes susceptibles d’être pourvus par les salariés qu’il envisage de licencier. Dans le PSE, il doit indiquer « leur nombre, leur nature et leur localisation ». Une fois le document élaboré, il est envoyé à l’inspection du travail pour homologation.

Le contentieux de l’homologation et la responsabilité de l’inspection du travail

Le PSE fixe donc les reclassements par ordre de priorité, et identifie les postes de reclassements, postes qui, eux-mêmes, ne correspondent pas, bien souvent, aux attentes des salariés, d’où la fronde qui s’élève contre ce document, de la part des salariés et syndicats.

Pour avoir un impact maximal, la contestation des salariés et syndicats porte le plus souvent sur la décision d’homologation du document par la DREETS (l’inspection du travail). C’est alors un contentieux purement administratif qui porte parfois ses fruits.

En vertu de l’article L. 1235-10 du Code du travail, en cas d’annulation de la décision d’homologation, les licenciements intervenus sur la base de cette décision annulée sont donc eux-mêmes nuls. La conséquence directe est la réintégration de tous les salariés licenciés et le paiement des salaires dus. Une annulation contentieuse est donc un coup de massue pour des entreprises déjà fragiles.

On aurait pu penser que puisque l’administration était sensée vérifier la légalité du PSE, il aurait été possible de lui demander réparation de ce lourd préjudice. Dans un récent arrêt, la Cour administrative d’appel de Lyon a toutefois largement rejeté cette possibilité. Dans une décision inédite en la matière, elle a estimé que « dans les conditions où il est organisé, l'exercice par l'autorité administrative du pouvoir d'homologation du document élaboré par l'employeur, qu'elle tient de l'article L. 1233-57-3 du Code du travail en matière de PSE, qui s'inscrit dans le cadre d'un contrôle complexe soumis à des délais brefs aux termes desquels le silence gardé par l'administration fait naître une décision implicite d'acceptation de l'homologation, ne peut engager la responsabilité de l'Etat que si l'exercice de ce contrôle révèle l'existence d'une faute lourde commise par l'administration » (CAA de Lyon, 20 octobre 2022, 21LY02836, C+).

C’est donc le régime de la « faute lourde », et non celui de la « faute simple » (plus facile à faire admettre) qui a été retenu. Très clairement, en attendant la position du Conseil d’Etat sur ce point (qui ne devrait sans doute pas varier), cet arrêt est amené à faire jurisprudence. Il est dès lors presque impossible, pour un employeur, d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de l’annulation de l’homologation.

Cet arrêt confirme la nécessité, pour l’employeur, d’élaborer le PSE en concertation avec les organisations syndicales, dans la transparence et avec le consensus le plus large possible.